Séparation / divorce

L'enlèvement international d'enfants

 

INTRODUCTION
I - LES MECANISMES INTERNATIONAUX
II - LES SOLUTIONS NATIONALES
CONCLUSION


INTRODUCTION

Le nombre d'enfants retenus à l'étranger par un parent, en violation des droits de l'autre parent, est en expansion constante depuis les années soixante-dix.
Cette recrudescence s'explique par la conjugaison de plusieurs facteurs.
Elle est le résultat combiné de la multiplication des unions mixtes (couples de nationalité différente) et de la progression des divorces et des séparations.


S'y s'ajoutent l'amélioration des moyens de transport, le relâchement des contrôles aux frontières et l'absence d'harmonisation des législations nationales en droit de la famille, permettant la saisine simultanée des autorités de plusieurs Etats et le prononcé de décisions contradictoires.

Depuis une dizaine d'années, les pouvoirs publics, les médias et les particuliers semblent avoir pris véritablement conscience de l'importance du phénomène. De nombreuses associations se sont constituées pour venir en aide aux parents victimes et les représentants politiques ont pris des mesures concrètes afin d'endiguer le phénomène.
Cette prise de conscience est indispensable car le nombre d'enfants déplacés ou retenus illicitement, dans un autre Etat que celui de leur résidence habituelle, est en progression constante.
Le service qui, au sein du Ministère de la Justice, traite ces questions, est saisi chaque année de 250 nouveaux dossiers et gère actuellement quelques 524 dossiers.
Ces chiffres ne font état que de l'aspect officiel du phénomène, de nombreux cas étant gérés par les avocats, les services consulaires, les associations ou les particuliers eux-mêmes.

Le nombre d'enfants déplacés s'élèverait en réalité à 1000 par an, 1500 selon certaines associations, mais ce chiffre est à manier avec précaution compte tenu de son caractère invérifiable.
Le phénomène est aujourd'hui universel. Il ne se limite pas aux seuls pays d'Afrique du Nord (le Maroc, la Tunisie et l'Algérie). Les pays vers lesquels on enregistre le plus de déplacements illicites sont aujourd'hui les Etats-Unis, suivis de près par l'Allemagne, puis par l'Espagne, la Grande-Bretagne et l'Italie.

Avant toute chose, il faut préciser ce que l'on entend par l'expression :
" enlèvement international "
C'est le fait, pour un parent, de déplacer la résidence habituelle de l'enfant à l'étranger, sans le consentement de l'autre parent.
Pour qu'il y ait déplacement illicite, l'enfant doit avoir été enlevé au parent titulaire de l'autorité parentale, peu importe que le parent ravisseur exerce lui-même l'autorité parentale conjointement avec l'autre parent, ou que la résidence de l'enfant ait été fixée à son domicile.

Pour modifier le pays de résidence de l'enfant, l'accord des deux parents est nécessaire dans la mesure où ils exercent conjointement l'autorité parentale. A défaut d'accord, c'est le juge qui doit trancher, sinon le déplacement de la résidence habituelle de l'enfant sera considéré comme un enlèvement international.

L'enlèvement peut prendre différentes formes :
- Il peut se manifester par le non-retour de l'enfant à l'issue de l'exercice d'un droit de visite et d'hébergement à l'étranger
- Il peut également intervenir durant la vie commune des parents (mariage ou concubinage), l'un des parents décidant unilatéralement de s'installer avec les enfants dans un autre pays, sur le territoire duquel il demandera le divorce et/ou l'attribution de la résidence habituelle des enfants.

Douloureux sur le plan interne, la séparation des parents prend des dimensions souvent dramatiques sur le plan international car l'un des parents peut ainsi se soustraire à l'autorité des juridictions de l'Etat dans lequel l'enfant a sa résidence habituelle, pour tenter d'obtenir une décision plus favorable dans un autre Etat dont il a généralement la nationalité.

L'enfant est la première victime de ce phénomène, car il est arraché à son environnement familier et, dans de nombreux cas, privé de tout contact avec son autre parent.
Quant au parent victime, Il est le plus souvent laissé dans l'ignorance du lieu où l'enfant a été conduit et démuni des ressources nécessaires pour engager les démarches nécessaires à son retour.

Les principaux obstacles au retour d'un enfant sont les suivants :
- La localisation de l'enfant
Il est fréquent que le parent ravisseur dissimule l'endroit où il se cache avec l'enfant. Et, dans les nombreuses hypothèses où le parent a trouvé refuge dans son pays d'origine, les recherches se heurtent trop souvent à l'absence de coopération des autorités locales, d'autant plus enclines à favoriser le parent ravisseur qu'il est ressortissant de cet Etat.
- Le coût que représente l'ouverture d'une procédure à l'étranger
Le second obstacle est lié à la charge financière importante qu'implique, pour le parent victime, la reconnaissance de ses droits à l'étranger. Aux frais de recherche et de déplacement, s'ajoute le coût d'une procédure à l'étranger et ceux liés à la participation d'un avocat.
- Les délais

Toutes ces démarches (recherche de l'enfant, ouverture d'une procédure à l'étranger, écoulement des voies de recours, etc.) impliquent des délais importants.
Il est fréquent que plusieurs années s'écoulent avant qu'une décision définitive soit rendue dans le pays où l'enfant a été emmené.

Aussi, il n'est pas rare de constater que l'enfant s'est finalement adapté à son nouveau cadre de vie, rendant peu opportun un retour qui reviendrait à séparer l'enfant du parent ravisseur et d'une partie de sa famille, en le renvoyant dans un pays dont il ne parle parfois plus la langue et dans lequel il n'a plus d'attaches.
C'est pourquoi, alertés dès le début des années quatre-vingt par l'importance croissante du phénomène, les Etats ont pris des mesures pour lutter contre la multiplication des déplacements illicites d'enfants.

Les Etats ont développé un réseau de conventions internationales destinées à renforcer leur coopération afin de favoriser le retour rapide des enfants illicitement déplacés dans l'Etat de leur résidence habituelle.

Ces instruments internationaux ont permis d'améliorer considérablement le sort des enfants déplacés et de leur parent, en favorisant l'adoption de mécanismes communs à l'ensemble des Etats parties à ces conventions. Ces mécanismes seront envisagés dans une première partie (I).

Mais le moyen le plus efficace de lutte contre les déplacements illicites demeure la prévention, car il est généralement plus facile d'éviter un enlèvement que d'obtenir le retour de l'enfant lorsqu'il a été déplacé à l'étranger. Les mesures préventives prévues par le droit interne, et celles pouvant être prises immédiatement après le déplacement, seront envisagées dans une seconde partie (II)

I - LES MECANISMES INTERNATIONAUX


De nombreuses conventions internationales ont été conclues au début des années quatre-vingt afin de lutter contre les déplacements illicites d'enfants l'étranger.
Les négociations engagées avec les pays de l'ouest européen - membre de l'Union européenne ou du Conseil de l'Europe - ont d'une manière générale débouché sur l'adoption de conventions multilatérales, tandis que celles négociées avec des pays de culture plus éloignée, tels que les pays d'Afrique du Nord, ont donné naissance à des conventions bilatérales.

La Convention la plus importante, en raison du nombre d'Etats l'ayant ratifiée - 72 à ce jour - et de la fréquence de son application est la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants.
Elle fera l'objet de nos principaux développements (B).
Mais les autres instruments internationaux méritent également notre attention. Car ils proposent des solutions différentes, parfois plus appropriées, ou tout simplement s'appliquent entre des Etats qui ne sont pas liés par la Convention de La Haye du 25 octobre 1980.
C'est pourquoi, il convient de les envisager à titre préalable (A).

A. Les instruments internationaux " autres "que la Convention de La Haye

1. Les conventions multilatérales


> La Convention de Luxembourg du 20 mai 1980 sur la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière de garde des enfants et le rétablissement de la garde des enfants.

Son dispositif repose sur la mise en place d'un régime de reconnaissance et d'exécution simplifié des décisions relatives à l'autorité parentale, mis en oeuvre par des autorités centrales spécialisées dotées de pouvoirs spéciaux.
Cette convention est généralement négligée au profit de la Convention de La Haye, qui prévoit un système plus simple et plus rapide.
En effet, son dispositif suppose l'existence d'une décision judiciaire ayant précisé les conditions de l'exercice de l'autorité parentale dans l'Etat de la résidence habituelle.

Il contient par ailleurs des causes de refus de reconnaissance des décisions, variables selon les pays, en fonction des réserves émises par ces derniers, entraînant ainsi de profondes disparités selon l'Etat dans lequel l'exécution de la décision est sollicitée.

Mais la Convention de Luxembourg reste particulièrement adaptée lorsqu'il s'agit de :
favoriser la reconnaissance et l'organisation d'un droit de visite à l'étranger ;
obtenir le retour de l'enfant à l'expiration d'un droit de visite judiciairement précisé ;
obtenir le retour de l'enfant lorsqu'il a été déplacé d'un Etat dont il avait, ainsi que ses parents, la seule nationalité, les autorités centrales ayant été saisies dans les six mois du déplacement.

Dans ces hypothèses, le retour de l'enfant doit être immédiatement ordonné, dans les autres cas, la décision rendue dans l'Etat de la résidence habituelle doit faire l'objet d'un contrôle de régularité au contenu variable selon les Etats.

La Convention de Luxembourg est applicable dans vingt-six Etats : Allemagne, Autriche, Belgique, Chypre, République tchèque, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Irlande, Islande, Italie, Liechtenstein, Luxembourg, Malte, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Royaume-Uni, Slovaquie, Suède, Suisse, Turquie.

> Règlement européen du 29 mai 2000 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale des parents communs.

Cet instrument est applicable depuis le 1er mars 2001 dans tous les pays de l'Union européenne à l'exception de la Norvège.
Ce Règlement désigne les autorités compétentes pour prononcer le divorce et, le cas échéant, statuer sur l'autorité parentale. Il contient également des dispositions visant à faciliter la reconnaissance et l'exécution des décisions dans l'ensemble des Etats membres de la Communauté européenne.

A ce titre, le Règlement donne compétence aux autorités de la résidence habituelle de l'enfant pour se prononcer sur la répartition de l'autorité parentale, évitant ainsi que les autorités de plusieurs Etats puissent être saisies concurremment de la même demande.

Aucune disposition n'est, en revanche, prévue en cas de déplacement illicite. Le Règlement renvoie pour cela au dispositif de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980, qui permet le retour immédiat de l'enfant sans même que ne soit, à ce stade, réparti l'exercice de l'autorité parentale entre les parents.
Le champ d'application de ce Règlement communautaire est extrêmement limité, car il ne s'applique qu'au divorce et à ses effets sur l'exercice de l'autorité parentale au moment de son prononcé. Il écarte ainsi le contentieux de l'après-divorce et celui qui survient lors de la séparation des couples non mariés.

Une proposition visant à étendre son champ d'application à toutes les questions relatives à l'autorité parentale est actuellement à l'étude. Ce projet a également pour ambition de faciliter l'exercice du droit de visite transfrontière en supprimant l'exequatur (procédure sans laquelle une décision prise dans un Etat ne peut être exécutée dans un autre Etat).

2. Les conventions bilatérales

Les échanges très importants de population entre la France et les pays du Maghreb en particulier, ont conduit la France à conclure des conventions bilatérales dont l'objectif est de développer une véritable entraide judiciaire entre les Etats dans le domaine de l'autorité parentale, garantie par la désignation dans chaque Etat d'une autorité centrale responsable de leur mise en œuvre.
Bien que fonctionnant difficilement, pour la plupart, en raison des différences culturelles importantes entre les Etats dans le domaine de la famille, ces instruments sont la base de négociations qui permettent dans un certain nombre d'hypothèses le retour d'enfants illicitement déplacés ou, du moins, l'organisation d'un droit de visite au profit du parent victime.

Les instruments les plus importants sont :
Convention franco-brésilienne du 30 janvier 1981
Convention franco-marocaine du 10 août 1981
Convention franco-égyptienne du 15 mars 1982
Convention franco-tunisienne du 18 mars 1982
Convention franco-portugaise du 30 juillet 1982
Convention franco-djiboutienne du 27 septembre 1986
Convention franco-algérienne du 21 juin 1988
Convention franco-libanaise du 12 juillet 1999
Mais il existe également d'autres accords bilatéraux d'entraide entre la France et : le Bénin, le Congo, le Niger, le Québec, le Sénégal, le Tchad, le Togo.

Ces conventions, ainsi que la Convention de Luxembourg, sont mises en œuvre, en France, par un service relevant du Ministère de la Justice : le Bureau de l'Entraide Judiciaire en Matière Civile et Commerciale, à l'exception de la Convention franco-libanaise qui relève de la compétence du Ministère des affaires étrangères.

Le but de ces instruments est de favoriser un règlement rapide des conflits grâce à une coopération des Etats assurée par l'intermédiaire d'autorités centrales spécialisées, dont le but est de permettre : la localisation de l'enfant, la reconnaissance et l'exécution des décisions, l'assistance juridique et financière des parents et le retour rapide de l'enfant dans l'Etat de sa résidence habituelle.
Les systèmes adoptés procèdent pour la plupart d'une transposition combinée des conventions de Luxembourg et de La Haye.


B. La Convention de La Haye du 25 octobre 1980

La Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants est l'instrument le plus appliqué en présence d'un déplacement illicite.

Cette Convention est applicable en France à l'égard des pays suivants :
Allemagne - Argentine - Australie (uniquement les Etats australiens et les territoires continentaux) - Autriche - Bahamas - Belgique - Belize - Bosnie Herzégovine - Burkina Faso - Canada - Chili - Chine (régions administratives de Hong Kong et de Macao seulement) - Chypre - Croatie - Danemark (excepté les territoires des Iles Féroé et du Groenland) - Espagne - Etats-Unis - Finlande - Grèce - Hongrie - Irlande - Israël - Italie - Luxembourg - Macédoine - Maurice - Mexique - Monaco - Norvège - Nouvelle-Zélande - Pays-Bas - Pologne - Portugal - République Tchèque - Grande-Bretagne et Irlande du Nord (y compris Ile de Man, Iles Caïmans, Iles Falkland, Ile Montserrat et Bermudes) - Roumanie - Slovaquie -Suède - Suisse - Turquie - Venezuela -Yougoslavie.

Son dispositif est extrêmement original car il ne détermine pas les tribunaux compétents ni la loi applicable à l'aménagement de l'autorité parentale. Il se contente d'ordonner le retour immédiat, à titre conservatoire, de l'enfant dans l'Etat de sa résidence habituelle.
La philosophie de la Convention repose sur le principe que tout enfant déplacé sans l'accord des deux parents, dans un autre Etat que celui dans lequel il a sa résidence habituelle, est illicite.
Le système de la Convention de La Haye est basé sur l'urgence. Il n'a pas pour objet de régler le conflit relatif à l'exercice de l'autorité parentale, mais de mettre fin à la voie de fait constituée par le déplacement, en rétablissant le statu quo ante, c'est-à-dire en rétablissant l'enfant dans son cadre de vie habituel.

L'objectif est de restaurer la compétence des autorités de la résidence habituelle de l'enfant en évitant que le parent ravisseur, profitant de la lenteur des procédures dans l'Etat refuge et de la propension de l'enfant à s'adapter à ces nouvelles conditions de vie, puisse obtenir une décision en sa faveur à l'étranger.

Cette Convention s'applique aux enfants âgés de moins de 16 ans. L'autorité centrale, ou les autorités judiciaires de l'Etat dans lequel l'enfant a été emmené, doit être saisie d'une demande de retour dans l'année du déplacement. Au-delà les autorités judiciaires ne sont plus tenues de prononcer le retour immédiat de l'enfant, mais peuvent rejeter la demande s'il apparaît que l'enfant s'est intégré dans ses nouvelles conditions de vie.

Pour garantir le retour de l'enfant et faciliter les démarches des parents, la Convention institue, dans chaque Etat contractant, une autorité centrale spécialisée, qui est la même pour l'ensemble des conventions d'entraide judiciaires (Convention de Luxembourg et conventions bilatérales visées ci-dessus):

Cette autorité est notamment compétente pour :
Localiser l'enfant ;
Assurer la remise volontaire de l'enfant ou faciliter une solution amiable
Echanger, si cela s'avère utile, des informations relatives à la situation sociale de l'enfant ;
Introduire ou favoriser l'ouverture d'une procédure judiciaire ou administrative afin d'obtenir le retour de l'enfant et, le cas échéant, permettre l'organisation ou l'exercice effectif du droit de visite ;
Accorder ou faciliter, le cas échéant, l'obtention de l'assistance judiciaire et juridique, y compris la participation d'un avocat.

En France, l'autorité compétente est :
Le Ministère de la Justice : Bureau de l'Entraide Judiciaire en matière civile et commerciale - 13, place Vendôme 75042 PARIS Cedex 01, Tél : 01 44 86 14 65 Fax : 01 44 86 14 06.

Le Bureau de l'Entraide Judiciaire en matière civile et commerciale est composé de quatre magistrats et d'un juriste.
En raison du nombre important de dossiers qu'ils ont à traiter, ces magistrats ne reçoivent pas les parents et communiquent rarement par téléphone.

C'est pourquoi il est préférable de se faire assister par un avocat spécialisé dans ce domaine ou par une association à qui le parent pourra exposer sa situation, recueillir les premières informations nécessaires à la constitution de son dossier et, surtout, bénéficier d'un contact humain, particulièrement important compte tenu de l'état de détresse des parents confrontés à ce type de situation.

Par ailleurs, l'avocat pourra utilement servir d'intermédiaire entre le parent victime et cette autorité centrale.
Il faut toutefois préciser que, depuis peu, le Bureau de l'Entraide en matière civile et commerciale s'est enrichi d'une éducatrice qui sera détachée dans les dossiers où l'audition du parent apparaît nécessaire, notamment en vue de faciliter un règlement amiable.
Le succès de la Convention dépend essentiellement de la rapidité avec laquelle le Bureau de l'Entraide Judiciaire en matière civile et commerciale est saisi. Plus il est saisi tôt et plus il y a de chances pour que l'enfant soit retourné rapidement dans son Etat d'origine.

Mais le succès de l'action dépend également de la rapidité d'intervention des autorités de chaque Etat, des moyens mis à leur disposition pour réaliser leur mission et de leur volonté de faire une stricte application de la Convention.
Aussi, le résultat est inégal selon les pays signataires de la Convention.

Le pays qui, de loin, applique le mieux la Convention et qui est le plus prompt à ordonner le retour de l'enfant est la Grande-Bretagne. Dans la plupart des cas, l'ordonnance de retour est prononcée dans les six semaines du déplacement. Les autorités italiennes sont également très efficaces.
En revanche, dans certains pays tels que l'Allemagne, le fonctionnement de la Convention est insatisfaisant en dépit des efforts des représentants politiques.
Le droit de la famille allemand repose sur une forme de " matriarcat ", consacrant un rôle prédominant à la mère tandis que les pères ont des droits limités.

Ces instruments internationaux sont des outils indispensables dans la lutte contre les enlèvements internationaux d'enfants ; ils interviennent généralement lorsque l'enfant a été déplacé à l'étranger, pour permettre son retour.
La prévention étant essentielle, des dispositions ont également été mises en place sur le plan interne pour éviter qu'un déplacement ne se produise et, le cas échéant, permettre une intervention rapide des autorités française pour éviter la sortie de l'enfant du territoire.


II - LES SOLUTIONS NATIONALES

A. Que faire lorsque votre (ex)conjoint ou (ex)concubin menace de déplacer ou de retenir l'enfant à l'étranger ?

La loi du 4 mars 2002 sur l'autorité parentale a renforcé le principe selon lequel les parents exercent conjointement l'autorité parentale pendant leur vie commune (qu'il soient mariés ou qu'ils vivent en concubinage). Elle a également précisé que cet exercice demeure conjoint après leur séparation.

Il en résulte que chacun des parents est réputé agir avec l'accord de l'autre lorsqu'il s'agit, notamment, de faire établir un passeport au nom de l'enfant, inscrire l'enfant sur son passeport ou l'emmener à l'étranger pour un court séjour.
Aussi, il est très facile au parent qui souhaite enlever l'enfant de lui faire franchir la frontière en toute légalité.

C'est pourquoi, il est important que le parent, exposé à un risque de déplacement, manifeste clairement son opposition à la sortie de l'enfant du territoire sans son autorisation. Il est important que certaines mesures préventives soient prises à cet effet, car il est plus facile de prévenir un déplacement illicite que d'obtenir le retour l'enfant, une fois à l'étranger.

1. Vous êtes mariés, vivez en concubinage et partagez l'exercice de l'autorité parentale, mais vous envisagez de vous séparer, vivez déjà séparément et il existe un risque que l'autre parent veuille s'installer à l'étranger avec l'enfant (le plus souvent dans son pays d'origine):

> Il faut saisir le Juge aux affaires familiales afin qu'il aménage les conditions d'exercice de l'autorité parentale, et désigne le parent chez lequel l'enfant aura sa résidence habituelle, ainsi que les conditions d'exercice du droit de visite et d'hébergement de l'autre parent.
L'exercice du droit de visite peut être limité au territoire français lorsqu'il existe un risque sérieux de non-retour de l'enfant à l'issue de l'exercice du droit de droit de visite et qu'aucune convention d'entraide, garantissant le retour de l'enfant, lie la France et l'Etat dans lequel le déplacement ou le non-retour est pressenti.

A défaut, l'exercice du droit de visite à l'étranger peut être soumis à certaines garanties : exequatur préalable de la décision, engagement des représentants consulaires à l'étranger à garantir le retour de l'enfant, consignation du passeport, etc.)
Mais il faut préciser que, depuis l'adoption de la Convention de New York sur les droits de l'enfant, les Etats se sont engagés à garantir le maintien de relations personnelles et de contacts directs réguliers entre l'enfant et ses deux parents séparés, lorsqu'ils résident dans des Etats différents.

A ce titre, ils se sont engagés à favoriser la libre circulation des enfants entre les domiciles de leurs deux parents et à garantir l'exercice de droits de visite transfrontières.
C'est pourquoi, les restrictions à l'exercice du droit de visite sont utilisées avec précaution par le Juge, limitées aux seules situations où le risque est avéré et où l'Etat ne donne aucune garantie pour le retour de l'enfant.

> Il faut demander au Juge aux affaires familiales qu'il ordonne l'inscription sur le passeport des deux parents : l'interdiction de sortie de territoire français sans l'autorisation des deux parents
Le Juge aux affaires familiales peut être saisi à titre d'urgence par la voie du référé heure à heure.

En cas de risque imminent, vous pouvez :
> Solliciter une opposition à sortie du territoire auprès de la Préfecture de votre domicile (Direction de la réglementation, service des passeports) muni(e) de votre livret de famille, de votre carte nationale d'identité, de celle de l'enfant (ou sa copie), d'un extrait d'acte de naissance de l'enfant et, le cas échéant, de la décision relative à l'autorité parentale.
En cas d'urgence et de fermeture de la Préfecture, vous pouvez vous adresser aux services de police ou de gendarmerie les plus proches et faire confirmer cette demande auprès de la Préfecture dans les 7 jours.

Attention, cette mesure n'est valable que 15 jours et son efficacité dépend de votre rapidité d'intervention et de la précision des informations que vous serez en mesure de fournir.
Par ailleurs, il n'y a plus de contrôles aux frontières à l'intérieur de la Communauté européenne depuis l'instauration de l'espace Schengen (à l'exception de la Grande-Bretagne). Il en résulte que si le parent est arrêté dans un pays de l'Espace Schengen, la Police des Airs et des frontières pourra empêcher le parent de monter dans l'avion mais ne pourra pas le retenir.

2. Vous exercez l'autorité parentale à titre exclusif, la résidence habituelle de l'enfant a été fixée à votre domicile et le droit de visite de l'autre parent est limité au territoire national, vous pouvez :

> Demander à la Préfecture une interdiction de sortie de territoire valable un an. Cette mesure est renouvelable d'année en année
Dans tous les cas, vous devez vous préparer à l'éventualité d'un déplacement illicite en prenant soin de conserver les copies : des pièces d'identité, passeports de l'enfant et de l'autre parent, ainsi que les coordonnées de sa famille et de ses amis en France et à l'étranger. Vous devez également apprendre à l'enfant à utiliser le téléphone afin qu'il puisse tenter de vous joindre de l'étranger, informer l'école des personnes autorisées à passer prendre votre enfant.

Malgré ces précautions, il arrive que l'on ne puisse pas empêcher l'enlèvement de l'enfant. Dans cette hypothèse, d'autres types de solutions sont alors possibles.

B. Que faire en cas d'enlèvement ?

1. L'enfant n'est pas localisé


Vous êtes mariés, vivez en concubinage ou vous êtes séparés, mais exercez conjointement l'autorité parentale et vous pensez que l'enfant est encore sur le territoire français.

Vous devez :
> Demander une opposition à sortie du territoire
> Saisir le Juge aux affaires familiales afin de faire préciser la résidence habituelle de l'enfant, les modalités d'exercice du droit de visite et d'hébergement de l'autre parent et solliciter une interdiction à sortie du territoire (en utilisant la voie du référé heure à heure)
> Prendre contact avec l'ambassade et le consulat de l'Etat dont votre ex-conjoint est ressortissant afin de savoir si un passeport a été établi à sa demande au nom de l'enfant ou si l'enfant a été inscrit sur son passeport, ou, dans la mesure où l'enfant n'a pas la nationalité de son parent, si un visa a été demandé et, le cas échéant, s'ils peuvent vous informer sur sa destination.
> Déposer une main-courante au Commissariat de Police
> Faire une déclaration à la Brigade des Mineurs
> Saisir immédiatement le Ministère de la Justice : Bureau de l'Entraide Judiciaire en matière civile et commerciale, dans la mesure où le pays où l'enfant est susceptible d'être retenu est lié avec la France par une Convention d'entraide judiciaire internationale (pour la liste, voir ci-dessus).
Dans le cas inverse, saisir le Ministère des affaires étrangères : Sous-direction de la Coopération Internationale en Droit de la Famille, 244 bd Saint-Germain 75303 Paris 07 SP Tél : 01 43 17 89 02 Fax :01 43 17 93 44.

Vous exercez seul(e) ou conjointement l'autorité parentale mais êtes titulaire d'une décision judiciaire ayant fixé la résidence habituelle de l'enfant à votre domicile :

Vous pouvez, en plus des démarches précédentes, porter plainte auprès :
> du Procureur de la République (Tribunal de grande instance de votre domicile) et
> du Doyen des Juges d'Instruction avec constitution de partie civile auprès du Tribunal d'instance de votre domicile.

2. L'enfant est localisé

Vous devez immédiatement saisir le Ministère de la Justice - Bureau de l'Entraide Judiciaire en matière civile et commerciale, si le pays où l'enfant est retenu est lié avec la France par une Convention d'entraide judiciaire internationale.
S'il n'existe pas d'accord d'entraide entre les Etats, saisissez le Ministère des affaires étrangères.

Dans tous les cas, il est recommandé de vous rapprocher d'une association ou de prendre conseil auprès d'un avocat spécialisé.
Ils pourront utilement vous assister et, le cas échéant, entamer les démarches en votre nom, vous représenter auprès du Bureau de l'Entraide Judiciaire en matière civile et commerciale, ou se rapprocher de l'avocat de votre ex-conjoint ou concubin afin d'essayer d'obtenir le retour amiable de l'enfant.

Quand toutes les démarches ont échoué, que l'enfant a été enlevé depuis plus d'un an et qu'il n'a pas été possible d'obtenir son retour judiciaire, ou que le pays dans lequel il est retenu n'est pas lié avec la France par une convention d'entraide judiciaire internationale, vous pouvez saisir :
La Mission d'Aide à la Médiation Internationale pour les Familles (MAMIF) 92, rue de Richelieu, 75002 Paris, Tél : 01 42 92 07 10 Fax : 01 42 92 05 15.

Cette autorité, qui dépend du Ministère de la Justice, a pour mission de rechercher une solution amiable. Elle peut notamment intervenir pour tenter de rétablir le dialogue entre les parents et favoriser l'exercice d'un droit de visite et d'hébergement.
Le Bureau de l'Entraide Judiciaire en matière civile et commerciale et le Ministère des affaires étrangères peuvent, le cas échéant, faire appel à cette autorité lorsqu'ils viennent d'être saisi d'un dossier afin de favoriser une solution amiable. Ils peuvent également faire appel à elle en dernier lieu lorsque tous les moyens légaux ont échoué.

La Mission d'Aide à la Médiation Internationale pour les Familles gère actuellement une centaine de dossiers avec l'aide de deux magistrats, d'une assistante sociale et prochainement d'une psychologue.

CONCLUSION

Des progrès importants ont été réalisés depuis une vingtaine d'années dans la lutte contre les enlèvements internationaux d'enfants.
Les autorités publiques, le Bureau de l'Entraide Judiciaire en matière civile et commerciale en particulier, occupent une place essentielle dans le dispositif mis en place.

Mais leur action doit être prolongée, sur le plan individuel, par une meilleure information des parents des moyens juridiques mis à leur disposition pour prévenir un déplacement éventuel de l'enfant.
Il arrive que le déplacement de l'enfant à l'étranger ne puisse pas être évité.
Dans cette hypothèse, il est nécessaire que les parents puissent réagir immédiatement en recueillant les conseils de professionnels qualifiés.

Ils doivent par ailleurs saisir le Ministère de la Justice ou, le cas échéant, le Ministère des Affaires Etrangères le plus tôt possible afin de maximiser les chances de retour de l'enfant.
Il faut préciser que les dispositifs existants pour lutter contre les déplacements illicites n'ont pas pour objectif de consacrer un repli des Etats sur eux-mêmes en empêchant toute modification de la résidence habituelle de l'enfant, en cas de séparation des parents.
Ces dispositifs visent simplement à obliger les parents à se mettre d'accord sur les conséquences de leur séparation à l'égard de leur enfant, en fixant en commun sa nouvelle résidence et, à défaut d'accord, en saisissant le juge de la résidence habituelle qui rendra une décision conforme à l'intérêt de l'enfant.
L'objectif est d'éviter que les parents puissent unilatéralement, et en toute impunité, modifier la résidence habituelle de l'enfant sans s'assurer que ce changement préserve suffisamment ses intérêts.
Il vise à empêcher que le parent puisse ainsi faire échec à la compétence des autorités de la résidence habituelle de l'enfant, censée avoir été choisie d'un commun accord par les parents avant qu'ils se séparent.

Enfin, il faut ajouter que l'ouverture d'une procédure judiciaire doit être décidée en dernier recours. De fait, les instruments internationaux invitent généralement les autorités centrales à rechercher une solution amiable au conflit familial dont elles sont saisies.

La recherche d'une solution amiable est la clé d'un maintien des relations personnelles et des contacts directs réguliers entre l'enfant et ses deux parents, comme le préconise la Convention de New York sur les droits de l'enfant. Car, dans ce domaine, l'intérêt de l'enfant doit prévaloir sur l'intérêt des parents, quels que soient leurs ressentiments respectifs.


Cet article a été écrit par :
Virginie BOUGEARD
Docteur en droit
Titulaire du Certificat d'Aptitude à la Profession d'Avocat
Elle a rédigé sa thèse de Doctorat sur le thème de "l'enlèvement international d'enfants".

Adresse :
174 BOULEVARD SAINT GERMAIN
75006 PARIS



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