Le divorce international
L'objet de la présente étude est relative à la compétence internationale des tribunaux, et à la loi applicable à la dissolution du lien matrimonial en droit international privé.
Les règles développées sont relatives aux procédures de divorce, séparation de corps et action en nullité de mariage au regard de notre droit interne français.
I. QUEL EST LE TRIBUNAL COMPETENT ?
En matière de dissolution du lien matrimonial, la question première consiste à déterminer le tribunal compétent pour connaître du litige et de ses conséquences.
A. Quel est le Tribunal compétent pour prononcer le divorce ?
Règles traditionnelles :
La juridiction française était compétente si:
la résidence de la famille se trouvait en France.
la résidence de l'époux avec lequel résidait un enfant mineur est en France ( en cas de résidence séparée , l'autre époux demeurant à l'étranger).
Dans tous les autres cas, si l'époux défendeur résidait en France.
les juridictions françaises peuvent pourraient aussi être saisies sur le fondement de la nationalité française de l'un des époux.
Or le droit communautaire vient de bouleverser ces règles.
Le règlement n° 1347/2000 du 29 mai 2000 relatif à " la compétence , la reconnaissance et à l'exécution des décisions en matière matrimoniales et en matière de responsabilité parentale des enfants communs ", adopté par le Conseil de l'Union Européeenne est entré en vigueur le 1er mars 2001 dans tous les états de l'union à l'exception du Danemark.
Ce règlement a pour objet de déterminer la compétence internationale du juge saisi la compétence territoriale interne demeure régie par les règles internes de l'article 1070 du NCPC.
Ce nouveau système se présente sous la forme d'une liste limitative, donnant compétence internationale au juge français lorsque :
1. Les deux époux résident en France
2. Un seul époux résident en France, mais la juridiction est saisie d'une demande conjointe
3. L'époux défendeur réside en France
4. L'époux demandeur réside en France au lieu de la dernière résidence commune
5. L'époux demandeur a sa résidence habituelle en France depuis au moins une année au moment de l'introduction de la demande
6. Le délai de résidence est réduit à 6 mois, lorsque l'époux demandeur est de nationalité française
7. Les deux époux sont français
8. Le demandeur français agit sur le fondement de l'article 14 du Code civil contre son époux qui n'est ni résident communautaire, ni ressortissant communautaire.
9. Le demandeur , non français , résidant habituellement en France mais ressortissant communautaire agit sur le fondement de l'article 14 du Code civil, contre son époux ni résident, ni ressortissant communautaire. Cette solution permet à tout ressortissant communautaire de bénéficier du privilège de juridiction réservé par le passé aux seuls ressortissants français.
Ce règlement vient quelque peu bouleverser les solutions anciennes, car si certaines règles restent applicables : résidence commune en France, ( soit la résidence de la famille), domicile du défendeur en France, les nouvelles règles vont permettre au demandeur qui réside en France depuis un an voire 6 mois s'il est français de saisir la juridiction française ce qui est une nouveauté.
La règle de l'article 14 du Code civil " privilège de juridiction accordé au requérant français ", est élargie au ressortissant communautaire non français qui agit à l'encontre d'un époux qui n'est ni résident ni ressortissant communautaire. ( ex : Un allemand résidant en France qui introduit une procédure de divorce contre son époux de nationalité suisse et demeurant en Suisse).
B. Compétence juridictionnelle au titre des conséquences du divorce
1. Le juge saisi de la procédure de divorce a vocation a statuer sur ses conséquences.
Il restera compétent pour statuer sur les conséquences patrimoniales et en principe sur les effets personnels de la dissolution.
Cependant, la convention de LA HAYE du 5 octobre 1961 relative à la compétence et à la loi applicable en matière de protection des mineurs régit, la compétence des tribunaux pour statuer sur l'autorité parentale, la résidence des enfants.
Le principe consistait en une compétence concurrente pour statuer sur l'autorité parentale, aux tribunaux de l'état de résidence habituelle du mineur ainsi qu'à ceux de l'état dont il est ressortissant.
Le juge du divorce restait dès lors compétent pour statuer sur le sort des enfants, dès lors que l'enfant résidait sur son territoire ou avait sa nationalité.
2. Depuis le 1er mars 2001, le règlement 1347/2000 va régir ces situations :
Ainsi le principe posé par le règlement est que les juridictions de l'état où se déroule la procédure de séparation des parents seront compétentes pour statuer sur l'autorité parentale concernant les enfants résidant dans ce même état.
Ces juridictions demeureront compétentes à l'égard des enfants résidant dans un autre état, si cette concentration de compétence est acceptée par les deux parents et correspond à l'intérêt de l'enfant.
Ces règles ne sont applicables que dans le cadre de la procédure statuant sur la dissolution du lien matrimonial, les règles traditionnelles ( Convention de LA HAYE de 1961 restant applicable aux procédures postérieures à la dissolution du lien).
En dernier lieu , l'on notera que le juge saisi devra vérifier d'office sa compétence au regard des dispositions du règlement.
Cette règle est importante car au stade de l'exécution des jugements, le juge n'aura plus à vérifier la compétence d'origine du tribunal ayant statué sur les matières issues de la convention.
Notons que le principe est la reconnaissance de plein droit des décisions couvertes.
Ainsi à l'exception de l'exécution forcée, toutes les conséquences de l'autorité de la chose jugée résulteront de plein droit de la décision étrangère. La décision étrangère permettra donc :
le remariage dans un autre état,
la mise à jour des actes d'état civil.
Reste comme nous l'examinerons plus loin , un contrôle quant à l'éventuel contrariété avec l'ordre public du pays d'accueil, ainsi qu'un contrôle au niveau de loyauté de la procédure d'origine.
II. QUELLE EST LA LOI APPLICABLE ?
Une fois la juridiction compétente désignée, le juge doit examiner qu'elle est la loi applicable au litige.
Il s'agit d'une question distincte de celle de la compétence des tribunaux, un juge pouvant être amené à appliquer une loi étrangère à celle de son ordre juridique interne.
A. Recherche de la loi applicable
L'article 310 du Code Civil dispose :
« le divorce et la séparation de corps sont régis par la loi française » :
lorsque l'un et l'autre des époux sont de nationalité française,
lorsque les époux ont l'un et l'autre leur domicile sur le territoire français,
lorsqu'aucune loi étrangère ne se reconnaît compétente alors que les tribunaux français sont compétents pour connaître du divorce ou de la séparation de corps ".
L'idée est de rattacher le divorce à une loi unique, à savoir la loi de la nationalité commune s'il s'agit de la nationalité française, le domicile en France (même si les époux sont de nationalité étrangère commune ) ou à titre subsidiaire, la loi du for saisi.
Il faut bien noter que la nationalité n'est plus le critère principal, puisque le domicile commun en France n'est plus un critère subsidiaire, mais principal et que donc la loi française s'applique à des époux de nationalité commune étrangère s'ils ont leur domicile en France.
Le cas de nationalités distinctes des époux avec absence de domicile des deux époux en France n'écarte pas forcément l'application de la loi française : Le juge devra en principe rechercher qu'elle est la loi étrangère applicable.
Mais la loi française s'appliquera en revanche si la recherche du juge conduit à ne pas trouver de loi étrangère se "reconnaissant compétente" et si les tribunaux français sont compétents
La notion définie "aucune loi étrangère ne se reconnaît compétente" doit être explicitée bien qu'elle soit délicate et complexe :
Le juge français qui a priori ne peut appliquer la loi française au titre de la nationalité française des parties ou de leur domicile commun en France, doit examiner les règles de conflit de loi étrangères qui pourraient se reconnaître compétentes ( loi nationale d'une des parties, ou des deux parties, loi du domicile d'une ou des parties, loi de l'état de célébration du mariage, etc...)
S'il détermine une loi étrangère qui se reconnaît compétente, il doit l'appliquer ( Exemple simple : deux époux allemands dont l'un réside en Allemagne, si la règle de conflit de loi allemande désigne la loi allemande au titre du divorce de ses ressortissants)
En revanche l'on revient à la loi française lorsque aucune loi étrangère ne se reconnaît compétente " selon ses règles de conflit de loi ".
C'est ce que l'on dénomme « conflit négatif » :
Pour illustrer notre propos prenons l'exemple d'un époux Français, domicilié en France, et d'un époux étranger domicilié à l'étranger, en l'absence de nationalité française commune et en l'absence de domicile commun sur le sol français, la loi française ne se reconnaît pas -en principe- applicable. Si la loi nationale de l'époux étranger est régie par des principes identiques aux nôtres, cette loi ne se reconnaîtra pas compétente puisqu'il n'y a ni nationalité commune, ni domicile commun: Dans ce cas, la loi française s'appliquera à titre subsidiaire.
Il y a lieu de préciser que cette règle subsidiaire suppose une recherche par le juge des règles de conflits de loi étrangères et leur contenu ce qui est d'une grande complexité. D'ailleurs si les parties ne revendiquent pas l'application d'une loi étrangère, il est d'usage d'appliquer la loi française, sans relever le caractère d'extranéité de la procédure.
En dernier lieu lorsque deux lois étrangères se reconnaissent compétentes ( suite à l'examen des critères recherchés par le juge), donc dans l'hypothèse " d'un cumul ou conflit positif ", les tribunaux sont enclins à revenir à l'application de la loi française, en raison de l'impossibilité d'appliquer deux lois étrangères, ce qui signifie " qu'aucune loi étrangère ne se reconnaît compétente ".
Ces règles s'appliquent à défaut de convention internationale ayant adopté des règles distinctes et sous réserve du respect du critère de l'Ordre Public International prohibant en principe l'application d'une loi étrangère ( qui se serait reconnue applicable) acceptant par exemple la répudiation ou d'une loi étrangère prohibant le divorce.
B. Domaine de la loi applicable
Outre le compétence au titre des mesures provisoires pendant la procédure, la loi applicable a vocation à régir les causes du divorce, ainsi que ses conséquences.
Effets personnels
Il s'agit des causes de divorce, des obligations respectives des époux, du nom de la femme divorcée, ainsi que sur le statut des enfants : domicile principal, droit de visite et d'hébergement, quoique la jurisprudence privilégie également pour cet aspect la règle de la loi nationale de l'enfant, ainsi que dans de nombreuses conventions internationales le critère de la loi de la résidence habituelle du mineur ( ex : Convention de la Haye de 1961 sur la loi applicable en matière de protection des mineurs).
Effets patrimoniaux
Mise à part les règles régissant les droits successoraux, le régime des biens des époux ( qui dépendent respectivement des règles de conflit en matière de succession, et de régime matrimonial), " la loi du divorce " désignée par l'article 310 du Code civil a vocation à régir les pensions alimentaires, la prestation compensatoire et les répartitions pécuniaires (ce qui est prévu par la Convention de LA HAYE du 2 octobre 1973 sur la loi applicable aux obligations alimentaires).
L'article 310 du Code Civil a vocation à s'appliquer de manière active : " compétence directe ", le juge français étant saisi applique la loi française en vertu de cette disposition, mais également en matière de reconnaissance et d'exécution (exequatur) de décisions étrangères.
L'on terminera en exposant que si la loi du divorce s'applique en principe aux effets du divorce, il en va différemment de « ses suites » à savoir la liquidation du régime matrimonial, la modification ultérieure de la garde des enfants (soumises à la loi du domicile du mineur ou loi de sa nationalité en vertu de la Convention de la HAYE sur la protection des mineurs de 1961).
N.B. S'agissant d'une matière très technique, nous avons tenté d'exposer les règles de la manière la plus simple avec des exemples pour concrétiser les situations. Cependant, la simplification entraîne forcément des approximations, notamment sur les nuances d'application des règles exposées. Par ailleurs, de nombreux aspects (tels que la théorie du renvoi, le problème du conflit mobile : changement de résidence ou de nationalité en cours de procédure…) n'ont pu être abordés car trop techniques pour faire l'objet d'une présentation simplifiée.
Maître Laurent HINCKER
Il a créé et dirige le cabinet inter-barreaux Hincker & Associés. Il est avocat-spécialiste en droit pénal, en droit des personnes, de la famille et de leur patrimoine, en droit international et européen, et à ce titre a plaidé de nombreuses affaires de principe devant la Cour européenne des droits de l’Homme.
Laurent Hincker est aussi Rechtbeistand pour le droit français et le droit européen, lui permettant de consulter en Allemagne. Il parle couramment l’allemand.
Il a également une formation en lettres, en sociologie, en polémologie et en sciences politiques (section économie et finances). Il a enseigné la polémologie en tant que professeur associé de l’Université de Strasbourg et a été décoré des Palmes académiques.
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